En cette veillée de Noël,ressortir cette histoire écrite par Emile LEBARGY dans la revue Debout Les Paras nr 177 est de circonstance.
Il s'appelait Joseph et vivait tranquillement sur son île natale,la Nouvelle Calédonie.En 1939,pas de télévision,pas de radio,peu de journaux.La métropole semblait
bien loin,et pourtant un jour,le coeur du jeune Joseph bat à coup redoublé lorsqu'il apprend que la Mère Patrie est vaincue,qu'un certain de Gaulle continue la lutte,qu'il demande aux français de
résister.Joseph SANTINO n'écoutant que son patriotisme s'engage,et pour être certain d'être au premier rang des combats,lui qui n'avait jamais vu un avion,il choisit les parachutistes.
La grande aventure commence,le grand voyage,l'entrainement en Angleterre,très dur,l'attente du saut sur cette France qu'il aime sans la connaitre.Ils sont une
poignée de calédoniens qui ont choisi les paras.Enfin J-2 arrive et Joseph saute sur la Bretagne,se bat comme un lion pour libérer son pays.Il est de tous les combats.Après la Bretagne il est
dans les Ardennes ou les Allemands réagissent.L'enfant du soleil a froid dans la neige qu'il n'avait jamais vu.Il saute enfin en Hollande et termine sa guerre comme il l'avait commencée,avec
courage et discrétion.
De retour sur son île,il prend décision de partir dans un archipel voisin:les Nouvelles Hébrides,condominium franco-britannique.Il y rencontre Simone,une
Vietnamienne qui deviendra son épouse.Toute sa vie il travaillera dans les plantations,fera de l'élevage,récoltera le coprah,et troquera son parachute pour un cheval.Il n'y avait aucune raison
pour que cette vie paisible et laborieuse cesse un jour.
Pourtant en 1980 Joseph se retrouve en pleine tourmente.La France et l'Angleterre accordent l'indépendance au condominium qui devient le Vanuatu.Les réactions des
francophiles sont nombreuses,la répression bat son plein.Apprenant que,le lendemain,le dapeau tricolore sera amené pour le dernière fois,Joseph préfère le descendre lui-même....en coupant le mât
à la tronçonneuse.Ce dernier exploit lui vaudra son expulsion par les toutes nouvelles autorités vanuataises,et il se retrouve à l'aéroport de Nouméa avec pour tout bagage un tee-shirt,son short
et une paire de sandalles,s'estimant heureux de ne pas avoir été passé à tabac comme beaucoup d'autres.
Il repart à zéro.Courageux il entreprend de cultiver des fraises et quelques légumes qu'il vend pour subsister.Il habite à Paira à quelques kilomètres de Nouméa
dans une masure en tôle ondulée qui prend l'eau de partout à la moidre pluie.Quelques poteaux recouverts eux aussi de vieilles tôles forment une véranda au sol couvert de boue à la plus petite
ondée.Pourtant Joseph ne se plaint pas.Il est toujours aussi discret,chaleureux,s'estimant heureux que dans son malheur il a retrouvé quelques camarades SAS.Ses amis de l'UNP/Nouvelle Calédonie
lui rendent visite et son toujours accueillis fraternellement .
En décembre 1986,le président de la section UNP/NC outré de voir les conditions de vie de son ancien fait paraître dans le journal local un article intitulé"Comment
la France traite ses héros"photos à l'appui.Quelques jours plus tard il reçoit un coup de téléphone du lieutenant-colonel Martinez du 6emeRPIMa en tournante sur le caillou.
Il est aussi scandalisé,prend rendez-vous avec le président et met au point une opération qu'on pourrait baptiser"Le Noël de Joshep".Le président se rend chez l'ami
Santino et lui demande de rester chez lui l'après-midi du 24 décembre.Un mutisme complet est opposé aux questions de Joseph et de Simone,Top secret.
Le jour dit,le président guide une forte délégation du régiment vers la cabane de notre SAS qui voit débarquer chez lui une voiture,une jeep et un autocar.Pas le
temps de comprendre,car,pendant que le colonel s'entretient avec le couple,remet à Joseph un béret rouge et un fanion du 6 en le remerciant de ce qu'il a fait pour libérer la France,les paras
installent des guirlandes,une nappe recouvre la pauvre table faite de quatre potaux et de planches.En un clin d'oeil le décor est posé,le champagne est sorti,les bûches de Noël sont
découpées.Joseph et Simone sont dépassés par les évènements.Des paroles pleines de respect et de fraternité sonr prononcées par le colonel.Une "boite de rations" qui contient en fait le résultat
d'une collecte effectuée auprès des paras du 6 est remise à Simone.Les yeux sont embués et nos amis ont l'impression de vivre sur un nuage.Le colonel,après avoir souhaité un joyeux Noël aux
Santino,laisse le couple face à une énorme glacière contenant un fabuleux repas de réveillon.Rendez-vous est pris pour le lendemain.Une voiture viendra chercher le couple qui sera l'invité du
régiment .Quelques jours plus tard,à bord d'un Transal,notre amis assistait à une séance de saut.
Loin de leurs familles,les gars du 6 ont compensé ce vide d'affection en faisant passer un merveilleux Noël à leur grand ancien.
Depuis,Joshef est parti rejoindre Saint-Michel,mais tous les ans,à Noël,il a une pensée pour les paras du 6,c'est certain,parole de SAS.
Emile LEBARGY(dans DLP n°177)